Avril 2020, période de confinement. Pour atténuer l'ennui, ma soeur me conseille de feuilleter La santé par la course à pieds {{cite

}} de Blaise Dubois, fondateur de la Clinique du coureur. Malgré mon aversion pour la course à pieds, ma curiosité est piquée lorsque je tombe sur cette conversation fictive entre un Humain vivant au paléolithique, et son homologue contemporain.

J'y découvre que dame Nature, par le biais de processus évolutifs multimillénaires, a affûté Homo Sapiens au point d'en faire l'athlète le plus endurant de tout le reigne animal. Je comprends que la morphologie humaine est particulièrement adaptée à la course à pieds d'endurance grâce notamment à un ligament nuccal très développé pour prévenir l'oscillation de la tête lors du mouvement ; à des muscles fessiers larges et puissants pour stabiliser le tronc ; à un tendon d'achille faisant office de ressort super efficace ; à des pieds arqués agissant tout à la fois comme double amortisseur et ressort permettant de restituer l'énergie enmagazinée à chaque impact, mais aussi dotés d'orteils plus courts que nos cousins primates pour assurer rigidité, stabilité, et efficacité dans la propulsion grâce au gros orteil ; ou encore à un moteur à refroidissement atmosphérique composé de millions de glandes sudoripares, permettant une évacuation efficace et continue de la chaleur par la transpiration. Stupéfait et un peu sonné par cette prise de conscience, je découvre quelques pages plus loin, que certain.e.s de mes congénères parviennent même à se déplacer d'une traite sur des centaines de kilomètres en utilisant le corps comme véhicule et à la seule force de leurs jambes, par exemple en traversant l'île de la Réunion.

Mon cerveau est en ébullition. Quelque chose d'énorme se profile, comme si mon instinct découvrait que depuis tout ce temps, j'étais doté de capacités dont je ne soupçonnais pas l'existence, et qui ne demandaient qu'à être éveillées. Ni une ni deux, je décide de descendre en bas de l'immeuble, pieds nus, et m'élance à courir. Je parcours une centaine de mètres aller-retour quelques fois, et ne dépasse pas les 1-2 minutes de course. Le plaisir est instantané, presque inexplicable. Loin des sensations incommodantes que j'avais ressenties les rares fois dans ma vie où j'étais allé faire des "footings", chaussé de souliers conventionnels. Je comprends alors que la course à pieds qui me révulsait depuis tout ce temps, n'était pas la vraie course à pieds, la pure, celle inscrite au fin fond de ma génétique, et qui se pratique avec une interface nulle ou quasi-nulle avec le sol. Celle qui procure d'intenses sensations proprioceptives et qui exploite pleinement chaque tissu dont l'évolution m'a doté.

Je tombe immédiatement accro, et établis le pacte avec moi-même de rétablir ces fonctionnalités endormies, en suivant mon propre chemin. C'est alors que germe dans mon esprit ce défi au long court qui m'habite depuis : un jour, je traverserai moi aussi l'île de la Réunion. Mais à ma façon et en suivant ma propre voie, une voie difficile qui ira à l'encontre de bien des méthodes et faits communément établis, celle que je m'apprête à emprunter et qui changera ma vie à jamais.